Dans un article du Républicain Lorrain du 13/07/17 M. Vincent TÉTON, directeur régional TER Grand-Est annonce fièrement 95% de ponctualité des TER dans la région Grand-Est et 93% sur la ligne Metz-Luxembourg, ce qui n’a pas manqué de faire grincer des dents du côté des usagers.
Que mesure donc cette ponctualité ? Que ne prend-elle pas en compte ? Et pourquoi n’est-elle pas du tout conforme à l’expérience vécue par les usagers ?
Tout d’abord, il faut savoir que la ponctualité mesurée est définie avec précision dans la convention passée entre la région et la SNCF. Celle-ci stipule qu’un train est considéré à l’heure tant que son retard ne dépasse pas 5 minutes et 59 secondes. En clair, un train n’est en retard qu’à partir de la 6ème minute et pas avant !
Cette tolérance n’est cependant pas une exclusivité de notre région puisqu’elle est utilisée un peu partout en Europe et est devenue en quelque sorte une norme pour le transport ferroviaire (elle passe même à 10 ou 15 mn sur certains trajets plus longs !)
Première aberration.
Bien que M. TÉTON parle de la ponctualité sur la ligne Metz-Luxembourg, le chiffre donné ne concerne en réalité que la partie française du trajet. La Région et la SNCF considèrent que ce qui se passe coté luxembourgeois n’est pas de leur responsabilité et ne doit donc pas être pris en compte dans leurs chiffres !
Drôle de conception de la responsabilité puisqu’ils occultent le fait que ce sont bien eux qui passent des accords avec le Luxembourg pour décider du nombre de trains concernés par ces trajets et qu’ils décident des horaires d’un commun accord.
Et ils oublient également au passage qu’un retard de 4 ou 5 mn coté français n’est pas un retard (puisqu’en dessous de 6 mn !) même s’il désorganise les circulations coté luxembourgeois et se transforme en 10 ou 15 au final à l’arrivée… « c’est pas nous c’est eux » comme on l’entend dire si souvent…
Deuxième aberration.
Il faut savoir également que sont pris en compte dans la mesure mensuelle de la ponctualité tous les trains circulant pendant le mois, sans distinction aucune.
Ainsi, un train qui circule le dimanche matin à 5h30 avec 5 passagers aura le même poids dans la mesure que celui qui circule à 17h en semaine avec 600 personnes à son bord. Si celui du dimanche arrive à l’heure mais pas celui de la semaine, la ponctualité affichée est de 50%. Alors qu’en fait 5 voyageurs sont arrivés à l’heure sur 605, soit moins de 1% !
La ponctualité mesurée est donc bien celle des trains, pas celle des usagers. On ne parlera pas du fait que la communication de la ponctualité par la SNCF se fait par régions, et qu’en prenant ainsi un cadre d’étude très large, cela permet de minimiser considérablement tous les problèmes locaux…
Troisième aberration.
Un train qui est annulé n’a pas circulé. Il ne peut donc être ni à l’heure, ni en retard et n’est donc pas pris en compte dans la ponctualité (mais à part dans une statistique « annulations »). Or, la conséquence d’une annulation pour un voyageur induit forcément un retard, puisque celui-ci devra prendre un train suivant au lieu de celui initialement prévu. Même si ce train arrive à l’heure, le voyageur lui sera bien en retard de 10, 15, 20 minutes, voire parfois même plus suivant le moment de son voyage et sa gare de destination.
Quatrième aberration.
Toujours à propos des annulations… on constate depuis la mise en place du cadencement une nouvelle pratique de la SNCF: les trains partiellement annulés. En effet, avec le cadencement et le rapprochement des circulations, si un train a trop de retard (en général plus de 20 ou 30 mn), le faire circuler risque d’engendrer des retards aussi sur d’autres trains puisqu’il occupe un autre sillon que celui prévu. Aussi, il est décidé de ne pas lui faire faire l’intégralité de son parcours.
Par exemple, un train qui part de Metz pour faire un aller-retour à Luxembourg mais qui a 30mn de retard à Thionville sera arrêté et aura pour terminus Thionville sur son trajet aller. Il sera donc annulé entre Thionville et Luxembourg, puis dans l’autre sens entre Luxembourg et Thionville, et repartira de Thionville vers Metz… à l’heure ! Mais aucune annulation de train n’est enregistrée puisqu’une partie de chaque trajet a été fait, et un retard est pris en compte dans un sens et aucun dans l’autre. Et tant pis pour les clients restés sur le carreau entre Thionville et Luxembourg, ils se débrouilleront en prenant le train suivant… mais eux seront bien en retard !
Cinquième aberration.
Enfin pour terminer, on peut également noter qu’en ne communiquant que sur la ponctualité des trains, la SNCF et la Région mettent complètement de côté la non-qualité du service rendu, alors que cela tient une part non négligeable dans l’expérience client.
Un train en composition double circule finalement en composition simple ? Il sera enregistré comme étant arrivé à l’heure (ou pas), et l’inconfort qui en résulte (voyage debout, voire impossibilité de monter dans le train), bien que comptabilisé dans une statistique particulière ne sera jamais évoqué.
Il fait -10° à l’extérieur et la climatisation tourne à fond comme s’il en faisait 25 ? Là encore, seule la ponctualité sera enregistrée, et le voyage dans des conditions anormales sera rapidement oublié…
Sixième aberration.
Il résulte de toutes ces constatations que communiquer par le seul biais de la ponctualité des trains comme le font la SNCF et la Région n’est absolument pas représentatif de ce que vivent les usagers.
Pour mémoire, la convention passée entre la Région Grand-Est et la SNCF a pour objet l’exécution du service public de transport régional de voyageurs. Un des objectifs stratégiques de cette convention est de placer l’usager au cœur du système. Et pour cela, il est stipulé qu’au delà de la fiabilité des transports, c’est bien la qualité de service globale qui doit faire l’objet de toutes les attentions.
Il est urgent que cet objectif soit remis sur le devant de la scène par tous les acteurs du transport régional, quel que soit leur niveau de responsabilité, et que cessent les communications se focalisant sur la seule ponctualité globale qui minimise les problèmes rencontrés par les usagers au quotidien. Cela n’a pour conséquence que d’attiser inutilement les tensions.
Encore un article très pertinent!
L’app raiZ devrait nous aider à sortir des statistiques sur la ligne nancy-metz-luxembourg !
Ensuite trouvons une façon pertinente de les mettre en avant afin d’obliger SNCF et la région à réagir !
Quelle est notre part dans le ca et le résultat des TER grand-est?
Les premières statistiques RailZ, publiées ici-même ont été transmises à nos correspondants à la région Grand-Est.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela a suscité beaucoup d’étonnement !
Excellent article !
Et en fait un train n’est en retard qu’à partir de la septième minute : à 5:59 on finit la 6e, et à 6:00 on commence la 7e…